Lettre de Raymond Verdier

Artiste peintre - Lieu n°3

 

Chers vagabonds de l'an 3
 
    L'heure est venue de décrocher les tableaux, non sans tristesse, on sent bien que la fête est finie.
    Ainsi donc, tous ces lieux d'une campagne ariégeoise profonde, toutes ces granges vont maintenant retrouver leur quiétude rustique et leur âme.
     Car nous allons remettre en ordre les fagots, la roue de la charrette, le tonneau, le pot au lait, et rendre à tous ces objets inanimés leur vocation première.
    L'herbe va repousser, flirter avec la mémoire des murs, le désordre naturel va reprendre ses droits, les souris et les araignées vont laisser à nouveau leur trace, le silence va s'imposer.
     Tout va rentrer dans l'ordre, mais sûrement pas dans l'oubli.

     Car Baulou a été quelque peu agité ces derniers jours. Je n'ai pas pu assister à tous les concerts et spectacles bien sur, je n'ai pas eu le temps d'être attentif à tous mes collègues plasticiens et je le regrette, car il y avait une belle diversité d'expression, mais aussi que de rencontres improbables, que de regards curieux, que de paroles échangées avec un public qui sait oublier un instant le quotidien pur et dur.
      Tout d'abord, un beau vernissage avec les Crieuses, quelques émotions  aussi au hasard des journées : la vue d'une maman allaitant son bébé (sans doute le plus jeune des vagabonds de l'an 3).
     Quelques images aussi, visuelles ou sonores : des percussionnistes inspirés, des jazzmen qui font du zèle, violoniste et flûtiste lumineuses, et tant d'autres...et puis les fleurs,les installations longuement réfléchies,les sculptures dans l'herbe, les marionnettes dans leur écrin feutré, les tissus qui flottent au vent...
     Et puis, j’ai été heureux d'avoir engagé  Jacques et ses aquarelles dans cette aventure, Jacques  qui au seuil de ses 80 ans a vécu une semaine de jouvence. J'ai été ravi d'avoir donné à Martine le goût de reprendre ses crayons avec ferveur pour de nouveaux dessins plein d'énergie.
 
     Nostalgie également, car après avoir été filleul et parrain, il faut maintenant laisser la place à d'autres, et c'est bien légitime, je ne doute pas que d'autres artistes, nous offrirons dans l'avenir, leur savoir faire et leur talent.
     Je n'oublierai pas non plus la joie enfantine de tous ces visiteurs qui se sont déguisés ,mis en scène,pour des photos géniales,grâce au talent communicatif de cette "Mouche dans le potage", ceux là ont plus d'un tour dans leur sac et sans doute un bel avenir.
     J'ai rencontré aussi d'autres artistes qui, s'ils ne s'écartent pas de leur trajectoire et s'ils gardent une certaine rigueur, vont faire leur chemin et trouver définitivement leur voie.
  
     J'ai mis trop de temps à comprendre que nos travaux d'artiste, ont vocation à donner du bonheur à ceux qui les regardent, et non  à mourir lentement dans le secret de nos ateliers frileux.
     Il y a un temps pour tout : un temps pour la réflexion, un temps pour la création, un temps pour le partage. 
     Et c'est bien cela qui nous réunit à Baulou.
     Il y a véritablement un "esprit vagabond’arts" qu'il faut préserver et entretenir.
     Un voeu : que cet "esprit" nous anime longtemps...
     Bien sûr, on se  serait passé de cette eau vitale, chère aux aquarellistes, qui a rafraîchi notre dimanche, mais nous avons terminé cette belle aventure comme il se doit dans la bonne humeur, autour d'une soupe délicieuse.
     Merci donc à tous  ceux qui ont offert un lieu, un espace et merci à vous, qui du matin au soir, êtes aux fourneaux, pour accueillir le public et les artistes, remplir les verres et les assiettes, éclairer et sonoriser les musiciens, photographier ou filmer l'événement, car c'est bien grâce à vous que nous pouvons accrocher aux cimaises nos rêves les plus fous.
 
     Il vous faut maintenant souffler un peu pour vous "renouveler" et plus tard, appréhender d'autres aventures dont vous avez le secret; vous êtes une équipe formidable.
 
Bon été et merci à chacun de vous.
Fidèle amitié à tous.
 
Raymond